Journal du Barreau de Marseille
numéro 1 - 2017
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VOUS VOULEZ BIEN NOUS RAPPELER VOTRE PAR-
COURS ?
Mon parcours est assez long, puisqu’il va se terminer d’ailleurs
prochainement, le 30 juin et qu’il a commencé en 1974. J’ai eu
avant tout un parcours de terrain, n’ayant jamais exercé de fonc-
tions en administration centrale. J’ai toujours souhaité rester au
contact du justiciable, d’abord dans des fonctions juridiction-
nelles au civil, au pénal, puis ensuite dans des fonctions d’admi-
nistration de juridiction qui ne m’ont pas pour autant éloignée
de l’activité juridictionnelle, puisque jusqu’à une époque encore
très récente, y compris lorsque je présidais la Cour d’Appel de
Bordeaux, j’avais des activités juridictionnelles. C’est en fait la di-
versité de notre profession de nous permettre sur tout un par-
cours d’avoir l’impression de changer de métier, à la fois en
changeant d’attribution mais aussi de lieu d’exercice . Même s’il
n’y a qu’un territoire national, ce n’est pas tout à fait la même ap-
proche partout . Le contexte socio-économique est très impor-
tant. Pour nous qui sommes un observatoire de la société, on ne
juge pas nécessairement de la même façon à Nice ou à Lyon.
AU REGARD DE L’APPLICATION DE LA JUSTICE DU 21E
SIÈCLE, QUEL EST VOTRE SENTIMENT SUR LES PRO-
CHAINS ENJEUX ET QUELLES SONT LES PRIORITÉS
POUR VOTRE JURIDICTION, LA COUR D’APPEL D’AIX-EN-
PROVENCE ?
La justice est un peu le prisme de notre société. Comme la mé-
decine examine les maux du corps, la justice voit les maux de la
société. Elle doit répondre avant tout aux attentes de nos conci-
toyens. Aujourd’hui, la principale critique qui est adressée à
l’institution judiciaire, est celle de ne pas toujours répondre à
ces attentes dans des délais raisonnables.
Comment faire pour essayer d’améliorer nos délais de traite-
ment ? Il faut bien sûr que la justice soit dotée des moyens qui lui
sont nécessaires. Sur ce point, des comparaisons ont été faites
avec d’autres pays étrangers, si ce n’est qu’il faut se méfier de ces
comparaisons, parce qu’on ne compare pas toujours des choses
comparables. La justice en Angleterre n’est pas rendue comme
en France. En Angleterre elle est rendue par des magistrats pro-
fessionnels et par de très nombreux magistrates qui sont des
non professionnels, bénévoles, donc c’est un système totale-
ment différent du nôtre. En Allemagne, il y a aussi beaucoup
plus de magistrats, mais qui ont des compétences matérielles
plus importantes.
Mais tout n’est pas qu’une question de moyens. Il y a aussi une
question d’organisation des juridictions. L’organisation judiciaire
d’aujourd’hui date de la moitié du 20e siècle. Elle a été conçue
en 1958 à une époque où la France n’était pas du tout celle d’au-
jourd’hui, où la notion de proximité n’était pas la même qu’au-
jourd’hui, où les nouvelles technologies n’existaient pas . Pour
mieux répondre aux aspirations des justiciables, il faut revoir l’or-
ganisation judiciaire. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut la conce-
voir uniquement par la géographie, mais qu’il faut la revoir par
les bassins de contentieux , sans oublier la nécessaire proximité
dont ont besoin nos concitoyens, mais qui peut être conçue dif-
féremment. Il y a en France 36 Cours d’Appel (pour ne prendre
que le cas de la juridiction cour d’appel), c’est en décalage com-
plet par rapport aux organisations territoriales de l’État telles
qu’elles existent aujourd’hui ou l’organisation même d’autres
grands services. Une réflexion a été entamée, dans le cadre de
la justice du 21e siècle. Il y a aussi une spécialisation à dévelop-
per puisque le droit se complexifie et que même si on a tou-
jours besoin de généralistes, le juge se trouve dans certains
contentieux face à des cabinets d’avocats très spécialisés. Donc,
CHANTAL BUSSIÈRE
Première présidente de la cour
d’appel d’Aix-en-Provence
Madame Chantal Bussière a été installée dans ses fonctions
de première présidente de la Cour d'appel d'Aix-en
Provence le 26 septembre 2014. Entrée dans la magistrature
en 1974, elle a débuté en exerçant les fonctions de juge
d'instruction. Membre du bureau de la conférence des
premiers présidents de cour d'appel, elle en a assuré la
présidence pendant une année.
DOSSIER
Femmes
de justice