Journal du Barreau de Marseille
numéro 1 - 2017
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une chambre qui traitait du droit de l’urbanisme. En-
suite j’ai présidé une chambre à la Cour administra-
tive d’appel de Bordeaux, puis j’ai occupé mon
premier poste de chef de juridiction. C’était en 2006,
le tribunal administratif de Bastia, petit par la taille,
mais grand par la complexité juridique de ses af-
faires, comme par la qualité des barreaux et des per-
sonnes composant la juridiction.
En 2009, j’ai été désignée pour créer un nouveau tri-
bunal administratif à Montreuil, dans la Seine Saint-
Denis. C’était le premier tribunal administratif de la
région parisienne à être installé dans l’Est parisien et
ce fut la plus belle expérience dema carrière ; une ex-
périence passionnante, parce que l’occasion de profi-
ter de toute l’expérience accumulée depuis tant
d’années et de lamettre véritablement enœuvre.
Nous étions une toute petite équipe de préfiguration
d’une dizaine de personnes. Nous étions chargés non
seulement d’installer la juridiction dans des locaux
neufs où il n’y avait que
des plateaux vides, donc
d’imaginer l’aménage-
ment intérieur, bien sûr
aidés par des architectes,
mais il fallait aussi interve-
nir sur les équipements,
choisir les meubles, instal-
ler l’informatique et sur-
tout constituer et former
les équipes. Nous avons
installé nos jeunes recrues
pendant cinq mois au tri-
bunal administratif de Cergy Pontoise dont on avait
récupéré une partie des dossiers.
Je parle de jeunes recrues, car si les magistrats qui
ont été mutés à Montreuil étaient déjà bien installés
dans leur métier pour la plupart, les agents de greffe
ont été à 80 % recrutés localement, dans la Seine
Saint-Denis, et à quelques exceptions près n’avaient
qu’une vague idée de ce qu’était une juridiction, et
de toute façon n’avaient jamais entendu parler de ju-
ridiction administrative sauf pour passer l’examen
qui leur a permis d’y entrer.
Mais tout s’est extrêmement bien passé parce que
toute l’équipe, les anciens comme les nouveaux,
était très motivée. Les nouveaux ont appris ou
avaient commencé à apprendre et ont pu continuer
à apprendre avec les 20 % d’anciens. Leur métier les
a séduits et en plus ils l’ont découvert dans la bonne
humeur. C’est donc un très bon souvenir qui a d’ail-
leurs créé entre nous, tous grades confondus, des
liens très forts toujours présents. La tâche n’était
pourtant pas facile. Nous avons tout de suite com-
mencé avec 7 chambres, moins d’un an plus tard il y
en avait 9 et, quand je suis partie en 2013, le tribunal
comptait 11 chambres.
Ensuite, j’ai été nommée conseiller d’État et j’ai pré-
sidé la Cour administrative d’appel de Douai, où je
suis restée deux ans et demi. Avant donc de retrou-
ver la route du sud qui m’a amenée le 1er janvier
2016 à la cour administrative d’appel de Marseille.
Je suis ainsi passée de la juridiction la plus septen-
trionale à la plus méridionale, de l’une des plus pe-
tites à la plus grande si l’on raisonne en termes de
nombre de requêtes nouvelles, plus de 5 000 actuel-
lement en rythme annuel. La cour de Marseille
compte 9 chambres et à peu près 120 personnes,
qui se répartissent presque équitablement entre ma-
gistrats et agents de greffe.
APRÈS PRÈS D’UN AN À LA TÊTE DE LA COUR
ADMINISTRATIVE D’APPEL, QUEL EST VOTRE
REGARD SUR L’ACTIVITÉ DE LA COUR ?
L’activité de la cour est celle que l’on trouve évidem-
ment dans toutes les juridictions. La spécificité de
celle de Marseille, c’est d’abord sa taille qui induit
une organisation toujours
en mouvement, à amélio-
rer et à affiner. Mais,
comme partout, l’enjeu
est de délivrer des arrêts
de grande qualité. Il tient
à celle des magistrats, et
ils n’en manquent pas,
mais aussi aux compé-
tences des agents de
greffe ; dans leur grande
majorité, ils sont, eux éga-
lement, très expérimen-
tés. Et les agents nouvellement arrivés dans la
juridiction administrative apportent l’enthousiasme
de la découverte et une autre façon de travailler tou-
jours utile dans l’adaptation permanente de l’équipe
aux nouvelles procédures, comme aux nouvelles
technologies.
J’apprécie beaucoup le goût des magistrats comme
des agents de greffe pour les métiers qu’ils exercent
et je m’efforce de les accompagner par des mé-
thodes de travail qui exacerbent leurs talents. J’at-
tache beaucoup d’importance à l’organisation, car
c’est par elle en particulier que l’on arrive à insuffler
une ambiance sereine donnant à tout le monde l’en-
vie de travailler et de bien travailler. Nous ne
sommes plus à l’époque, que d’ailleurs beaucoup
n’ont pas connue, des ouvrages poussiéreux et des
dossiers jaunis. Quand on juge en moins d’une
année des dossiers dématérialisés, on imagine aisé-
ment que la manière de travailler a fortement évo-
lué, même si les bases du droit restent les mêmes et
la nature des litiges en grande partie également. Et
nous évoluons perpétuellement dans ce paradoxe
d’une matière ancienne traitée par des moyens ul-
DOSSIER
La formation a évidemment
beaucoup d’importance
pour la solidité
de cette passerelle entre
le passé, le présent et le futur.
Femmes
de justice