Journal du Barreau de Marseille
numéro 1 - 2017
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our ceux qui la connaissent, Ashkhen, c’est
avant tout un regard empreint d’une déter-
mination sans faille, et d’une bonne hu-
meur à toute épreuve.
Pour les autres, et singulièrement pour ceux qui l’ont
découverte lors des concours de plaidoirie au cours
desquels elle s’est illustrée ces trois dernières an-
nées, Ashkhen, c’est surtout une voix. Une voix
douce, aux revers perlés de miel, rythmée par une
pointe d’accent qui sait en quelques mots capter l’at-
tention de son auditoire et convaincre les cœurs,
même les plus revêches. Et le 29 janvier dernier,
cette voix douce qui nous est familière a littérale-
ment bouleversé les participants de l’édition 2017
du Prix du Mémorial de Caen.
ÉMOUVOIR ET ÉBLOUIR
Avec des mots simples et justes, Ashkhen a su définir
l’indéfinissable et émouvoir autant qu’éblouir en nar-
rant l’histoire de Nita, de Frank et d’autres " enfants
jetables ", adoptés, puis échangés sur internet, et
ballottés de famille en famille, comme des animaux
de compagnie indignes d’un attachement affectif
stable. Ashkhen a su donner des visages à cette pra-
tique à peine imaginable du " rehoming ", et offrir
une leçon d’éloquence et d’humanité aux 2.000
spectateurs de ce grand rendez-vous annuel des ta-
lents oratoires de l’espace francophone.
« Aux États-Unis, un quart des enfants adoptés sont
abandonnés chaque année » a rappelé notre
consœur devant un parterre estomaqué.
Pour Nita, fillette née en Haïti, « cette tentative de réa-
doption s’est reproduite cinq fois, dans cinq familles
différentes, au sein desquelles Nita ne s’attachait
qu’à sa valise ».
Le jury, présidé par Me Olivier Morice, a décerné à
notre reine de Caen le Premier prix et l’a félicitée
pour avoir mis en lumière une réalité sombre et mé-
connue de l’adoption internationale.
PRÉCISE ET IMPLACABLE
Car Ashkhen ne combat pas sur des terrains balisés
et sait s’indigner des injustices et des tragédies qui
se nouent au coin de la rue, dans les interstices de
nos sociétés qui se veulent convenables. Il y a deux
ans, en tant qu’élève-avocat, Ashkhen avait déjà
brillé à Caen, et remporté le Prix des droits de
l’Homme, avec l’histoire de Joseph, jeune guinéen
mort noyé à Marseille dans l’indifférence générale,
alors qu’il tentait de rejoindre le rivage à la nage
pour demander l’asile en France. Un an plus tôt, en
2014, c’est un discours consacré à un condamné à
mort américain qui lui valut d’être distinguée parmi
les élèves de l’EDA. L’an dernier, lors de la Confé-
rence du Jeune Barreau 2016, Ashkhen évoqua avec
la même compassion et le même talent le destin tra-
gique d’Aylan Kurdi venu se fracasser sur les mu-
railles de la forteresse Europe.
Quelques mois plus tard, à l’occasion du Prix marseil-
lais du polar 2016, où elle défendit, sous le regard af-
fectueux de son auteure, le roman "Petite Louve",
la compassion devint passion et Ashkhen se mua
même en tueuse de sang-froid, précise et implaca-
ble. Ce qu’elle est aussi, assurément ; certains parti-
cipants à la Conférence Berryer 2016 en savent
quelque chose…
La Commission du Jeune Barreau tient donc à saluer
cette nouvelle consécration du talent de notre
consœur et lui témoigner toute notre affection et
notre admiration.
ME HARUTYUNYAN,
NOTRE REINE DE CAEN
Une fois n’est pas coutume, la Commission du Jeune Barreau rend hommage à une de ses
membres, Ashkhen Harutyunyan, Prix du Mémorial et de la Ville de Caen 2017, dont
la plaidoirie " American Dream, l’envers du décor " a subjugué le jury du concours
international tenu le 29 janvier dernier dans la cité normande.
COMMISION DU JEUNE BARREAU
PAR LA COMMISSION DU JEUNE BARREAU