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la lose ; arrogants ou en crise existentielle, et aussi, parfois dotés d’une naïveté dramatiquement touchante. "Objection Votre Honneur !" Nous sommes tous les enfants d’une certaine génération, influencés par les marqueurs culturels de l’époque qui nous a vu naître, et surtout, de celle qui nous a vu grandir. Pour l’auteur de ces lignes, enfant contrarié des générations X et Y, né au début des années 1980, biberonné au tube cathodique, aux salles obscures enfumées et aux boutiques de location de VHS, la figure de l’avocat a très rapidement accompagné la découverte du 7e art et de ses avatars télévisuels. Vers la fin des années 1980, la série Tribunal – et son inamovible magistrat à tête chenue – fait son entrée dans les foyers français après le journal de 13h, à l’heure de la sieste méridienne, institution à laquelle le programme a su rendre ses lettres de noblesse. Cette série dispensable, qui durera tout de même cinq saisons, offrit l’occasion à de jeunes acteurs français de revêtir la robe, notamment une certaine Michèle Laroque. On y verra également comparaitre Edouard Baer, en tant que partie civile ou Kad Merad en qualité de prévenu. En 1992, Jean-Paul Belmondo reprend le rôle d’un ténor du barreau qui sombre dans l’alcool après le suicide de son épouse, personnage interprété cinquante ans plus tôt par Raimu dans l’adaptation du roman de Georges Simenon L’inconnu dans la Maison. Mais soyons honnêtes, comme tout petit français de ces années-là, l’inspiration vient alors d’ailleurs, d’un pays où les avocats ne portent pas la robe, mais des complets et des tailleurs chics et s’interrompent à qui mieux mieux à grand coups de « Objection votre Honneur » ! Un poids lourd de la pop culture US Et au pays de la Dream team de Michael Jordan, Magic Johnson et Scottie Pippen, l’Avocat va devenir, en ce début des années 1990, un poids lourd de la pop culture, auquel les plus grandes stars de l’époque prêteront leur visage et leur voix une décennie après Al Pacino dans Justice pour Tous (1979). C’est d’abord le débonnaire Denzel Washington qui vient assister et prêter sa voix à son confrère Tom Hanks dans le film Philadelphia de Jonathan Demme en 1993 et qui, en l’espace d’un procès, se dépouille de ses préjugés et de ses peurs. La même année, le film de Brian de Palma L’impasse offre au cinéphile un personnage d’avocat à l’exact opposé de celui de Denzel Washington. Donnant la réplique à Al Pacino, Sean Penn y campe un avocat talentueux et cocaïnomane, fasciné par les truands qu’il défend au point de franchir plus d’une fois la ligne (blanche) et devenir lui-même un voyou. En 1993, toujours, Tom Cruise est à l’affiche de La Firme de Sydney Pollack, qui marque la fin de l’innocence pour l’interprète de Top Gun, et une étape-clé dans sa carrière. En 1996, dans Sleepers de Barry Levinson, c’est un Brad Pitt en procureur manipulateur qui souffle sa plaidoirie à un avocat de la défense déphasé et alcolo incarné par un grand Dustin Hoffman, dans un jeu de billard vengeur à multiples bandes opposants des amis d’autrefois à leurs anciens tortionnaires. Dans le même temps, sort au cinéma Larry Flynt de Milos Forman, dans lequel le jeune Edward Norton crève l’écran en interprétant Alan Isaacman, l’avocat idéaliste du patron du magazine Huslter aux prises avec les ligues de vertu et le puissant pasteur évangélique Jerry Falwell. En 1997, c’est Keanu Reeves qui incarne un jeune avocat ambitieux en proie au doute et en pleine crise de conscience au beau milieu d’une audience – et de sa pause pipi – dans le fameux L’Associé du Diable aux côtés d’Al Pacino en Méphistophélès survitaminé. La fiction judiciaire se fait également farce la même année avec la sortie de Liar Liar avec un Jim Carrey touché par un sort terrible, l’empêchant de mentir dans l’exercice de son métier, son fils ayant affirmé que son papa exerçait la profession de menteur (le ressort comique étant basé sur la quasi-homonymie entre lawyer et liar). En 1998, c’est un avocat totalement déjanté, amateur d’expériences psychédéliques et de bonne chère qu’interprète Benicio del Toro dans Las Vegas Parano, aux côtés de Johnny Depp en alter ego de l’écrivain Hunter S. Thompson. L’année suivante, Julia Roberts, en secrétaire juridique dévouée, est seule contre tous dans le film de Steven Soderbergh Erin Brockovich, un tournant dans la carrière de l’interprète de Pretty Woman autant que dans la perception du rôle des femmes dans le milieu judiciaire et dans les œuvres de fiction consacrées aux professions juridiques. Symbole de l’empowerment féminin Comme pour marquer la transition avec le nouveau millénaire, et le passage de flambeau entre le cinéma et la série télévisée, la décennie 90 s’achève avec l’apparition sur le petit écran d’Ally Mc Beal, série diffusée en France à partir de la fin 1998 sur M6. Incarnée par Calista Flockhart, Ally Mc Beal est une avocate trentenaire à la tête d’un cabinet de Boston, sensible, imaginative et redoutablement compétente. Icône de la Pop Culture pour son ton caustique et débridé, Ally Mc Beal va également faire émerger une nouvelle figure, celle de l’Avocate en femme puissante. Dans cette veine, Calista Flockhart décloisonne définitivement la maison commune en féminisant la pratique, sans en faire pour autant un faire valoir d’hommes tirant les ficèles. Avocates, brillantes et indépendantes, c’est sur ce triptyque gagnant que la série judiciaire va composer avec succès au mitan des années 2000, sous les traits de Glenn Close notamment dans la série Damages (2007-2011). La productrice Shonda Rhimes fera pour sa part de l’Avocate une figure tutélaire d’empowerment des femmes noires, avec les personnages somptueux d’Olivia Pope et Annalise Keating dans les séries Scandal (2012-2018) et How to 42 | JDB MARSEILLE 4 / 2022

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