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40 | JDB MARSEILLE 4 / 2022 CULTURE / ART & DRO I T « LA LOI ET L’ORDRE » A L’ÉCRAN LE CINÉMA EST FRIAND DES HISTOIRES JUDICIAIRES ET AIME METTRE EN SCÈNE LES PROCÈS À SA MANIÈRE. QUAND LE 7ÈME ART RACONTE LA LOI, L’ORDRE, LA JUSTICE ÇA DONNE PARFOIS DES CHEFS D’ŒUVRE. PETITE (ET TROP BRÈVE) BALADE DANS LE CINÉMA AMÉRICAIN DES ANNÉES 50 ET DÉBUT 60… Les dernières volontés du Shérif Kane (Le Train sifflera trois fois, Fred Zinnemann, 1952) Le Shérif Kane c’est évidemment Gary Cooper dans l’un de ses grands rôles. Il incarne un shérif en proie aux doutes et à la solitude, à rebours des personnages que proposaient d’autres westerns. John Wayne détesta ainsi le film. Attendant le duel qui s’annonce, on voit Kane rédiger ses « dernières volontés », testament olographe improvisé et rédigé sous la pression des circonstances. Il sent qu’il peut, qu’il va mourir peut-être. Se succèdent alors des plans très brefs, montés énergiquement, prétexte à revoir toute la galerie des personnages que l’on a rencontrés dans les séquences antérieures : une leçon de cinéma. Avec en coupe la voie ferrée et trois types que l’on croirait retrouver seize ans plus tard dans « Il était une fois dans l’Ouest » de Sergio Leone. L’horloge annonce midi. Les trois coups de sifflet annoncent que le train va s’arrêter. Un type va descendre. Le duel est proche. Kane a rangé ses dernières volontés dans une enveloppe sur laquelle il écrit « à ouvrir après ma mort ». Forcément... La musique de Dimitri Tiomkin accompagne Kane vers son destin. Un coup de feu résonne. La jeune femme de Kane, Amy, alias Grace Kelly (dont c’est le deuxième film) revient sur ses pas en courant. Est-ce trop tard ? Kane sort vainqueur de l’épreuve des colts. Il quitte la ville qui ne l’a pas mérité. On ne verra plus l’enveloppe qui n’a donc plus d’intérêt. Qu’y avait-il prévu ? Le mystère des dernières volontés du Shérif Kane demeure entier, pour l’éternité, en se fondant dans le mot FIN. L’avocat qui gagne mais qui s’en veut d’avoir gagné ! (Ouragan sur le Caine, Edward Dmytrik, 1954 ) Autre chef d’œuvre du cinéma, le film est sorti en 1954 en France. On est sur le Caine un vieux rafiot militaire. Le Capitaine Queeg y est nommé commandant. Queeg c’est Humphrey Bogart dans un des meilleurs rôles, sinon le meilleur. Dmytrik filme comme un géant qu’il est. Ceux qui se souviennent du film se rappellent de l’épisode des fraises, des colères de Queeg, de sa frousse aussi, de son incapacité à décider face au danger. Et surtout de Queeg jouant avec deux billes d’acier dans sa main. Scènes mythiques du cinéma d’hier. L’histoire est d’abord celle d’une mutinerie dont on suit la préparation et les ressorts. Elle est aussi, dans la dernière partie, celle du procès des mutins dont il est temps de rappeler qui ils sont et par qui ils furent joués : Maryck (Van Johnson) poussé par l’affreux Lieutenant Keefer ( Fred Mac Murray) prend le commandement. A terre Queeg entend qu’ils soient punis. La loi et l’ordre doivent avoir le dernier mot. Les mutins préparent leur défense. Ils ont choisi un avocat en la personne de Barney Greenwald (José Ferrer). L’avocat questionne, plaide. Les mutins attendent le verdict autour de verres. Greenwald apparait. Il est plus qu’éméché. Il a bu. Pourquoi ? Il a gagné ! Mais il n’est pas fier de sa victoire. Elle le dégoute même. Pour gagner il a dû salir Queeg, le mettre plus bas que terre. Il a fallu faire oublier au tribunal le temps de sa plaidoirie et du délibéré que Quegg fut de ceux qui grâce à leur courage, quelques années avant, ont assuré la défense des libertés et celle du peuple américain au péril de leur vie. Gagner le procès mais ne pas pouvoir se regarder dans la glace, telle est l’une des questions que pose le film. Du règne des colts à celui de la loi (L’homme qui tua Liberty Valance, John Ford, 1962) Autre film mythique d’un autre géant : John Ford. Ce film est un must à plusieurs niveaux. La mise en scène, le jeu des acteurs (John Wayne, James Stewart, ni l’un ni l’autre n’étaient de jeunots en 62, Lee Marvin dans le rôle de Valance et un certain Woody Strode, plus connu pour son rôle dans « Le Sergent Noir » du même Ford et que fera jouer Leone dans « Il était une fois dans l’Ouest »), un scénario tiré à quatre épingles qui parle du basculement des valeurs de l’Ouest américain et du passage du règne des colts à celui de la loi. L’intrigue tourne là aussi autour de la figure centrale du duel. Mais celui qui croit avoir tiré et vaincu n’est pas celui que l’on croit. On n’en dévoile pas plus pour ceux qui ne l’auraient jamais vu. Disons seulement que Tom Doniphon alias Wayne croit encore au salut par le colt et la force. Le sénateur Stoddard alias Stewart ne jure lui que par la loi et la justice. Il brandit les codes au lieu des armes. Deux visions du monde. Vieux thème traité façon western, un western pas comme les autres : film charnière, testamentaire, crépusculaire il porte en lui et pose des questions indémodables. Il paraît que bientôt c’est Noël. L’occasion peut être de revoir quelques films. Ceux-là et bien d’autres. Bonnes Fêtes ! PAR ME CHRISTIAN BAILLON-PASSE ©DR ©DR ©DR

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