JDB_N4_COMPLET_2021_WEB

LE MOT DU BÂ- TONNIER ÊTRE UN AVOCAT EN 2.0-22 : LE DEVOIR D’AGIR La réflexion sur la justice occupe une place prépondérante dans mes éditos à l’image du terrain qu’elle occupe dans nos réflexions et dans la pensée actuelle 1 . Ce regain est dû à la renaissance et le renou- vellement des droits de l’homme en général et à l’État de droit en particulier. Cette question est bien le sujet brûlant qui se profile en ses temps troublés et si particuliers. La justice est le bien commun conçu comme le respect mutuel des personnes, elle est l’équilibre des libertés gage de solidarité sociale. La justice est en nous comme dans la cité, elle maintient chacun à sa place et doit être celle qui commande l’harmonie. La justice est vertu et organisatrice de la vie sociale. La profession d’avocat qui a cette idée de la justice chevillée au corps, se bat sans relâche depuis des années pour dénoncer la dégrada- tion du service public de la justice car chaque personne doit avoir un accès égal au système judiciaire à la paix sociale et à la liberté. Le plus souvent, nos combats sont tournés principalement vers la dé- fense du justiciable. Aujourd’hui c’est encore lui que nous défendons par le vif soutient que nous apportons à l’ensemble des acteurs de la Justice et « l’appel du collectif des 3000 » devenu depuis 4000, puis 5000, puis 6000… • « Je ne suis pas une machine à vomir des jugements ». • « Nous ne sommes plus en mesure de rendre une justice à la hau- teur des attentes légitimes du justiciable ». • « On les voit se lever, et on voit qu’ils sont frustrés, qu’ils auraient voulu nous dire plus de choses, nous expliquer ce qu’ils avaient sur le cœur ». #JusticeMalade Selon Rousseau, « l’amour de soi est le principe de la justice hu- maine ». L‘État a donc le plus haut degré de force et de vie car c’est lui qui organise la vie sociale et cette organisation repose sur l’amour de soi, qui ne provoque pas la division et le chaos si la cité lui procure la sécurité et la liberté. Le cri d’alarme des acteurs de la justice nous ouvre les yeux sur la cité actuelle menacée et emprise à l’insécurité et au désordre. Comment l’État de droit qu’est la France a pu laisser le manque de moyens humains et matériels être compensés par le seul engage- ment au quotidien des professionnels de Justice ? A l’heure où l’État créé sa plateforme RSE 2 et incite les entreprises à être concernées par l’humain au-delà des strictes données écono- miques, il est inadmissible de venir encore demander des efforts sup- plémentaires aux magistrats et greffiers qui font état de souffrances au travail. L’État doit appliquer les principes qu’il préconise aux hommes et aux femmes qui le compose et qui sont les garants de l’intérêt général, à savoir : la prégnance des conditions de travail et de vie car il est de plus en plus évident que c’est la clef d’un avenir viable. Dans ce monde complexe, il s’agirait de prendre un virage à 360° et de contribuer au développement de conditions acceptables et d’ac- célérer les actions en faveur d’une justice responsable, humaine, en d’autres termes sensibles à la personne. Je témoigne ici que cette justicemalade est également présente chez bon nombre de nos confrères, j’ai reçu plusieurs confrères en état de souffrances psychologiques. Le constat est simple : nous avons de plus en plus de difficultés à exercer nos missions de défense en qualité d’auxiliaire de justice, dans des conditions simplement humaines. Les causes en sont multifactorielles, je tiens à vous les lister : - Une pression accrue des clients avec unemontée en puissance des cas de violences notamment verbales ; - Une pression économique accrue entraÎnant une paupérisation croissante d’une partie toujours plus importante de la population ; - Des modifications incessantes, des règles juridiques applicables avec des chausse-trappes de procédures toujours plus nombreux ; - Une baisse de la qualité rédactionnelle des textes juridiques ; - Un accroissement toujours plus important des délais de traitement des affaires civiles et pénales ; - Une tendance générale à une diminution de la place de l’oralité au sein des palais par manque de temps le plus souvent ; - Une place toujours plus importante pour le numérique sans que les juridictions ne soient dotées d’outils modernes et performants ; Une fois ce constat dressé, nous avons le devoir d’agir, l’État doit se réveiller ! Les instances représentatives de la profession d’avocat et la plupart des ordres locaux d’avocats ont appelé à se joindre à cemouvement. C’est une chance historique pour nous de placer la justice au centre des priorités en cette période de campagne électorale où nous le sa- vons lors des précédentes échéances, ces questions ont été systé- matiquement délaissées. Exigeons un plan quinquennal pour la Justice qui pourrait se décliner autour de trois thématiques : 1. Les moyens humains en personnel : Nous sommes toujours le pa- rent pauvre de l’Europe en moyen humain. L’État doit prévoir un recrutement massif demagistrats et greffiers, en urgence tout d’abord, puis après avoir audité les juridictions les plus en souffrance. 2. Les moyens matériels. 3. Une pause dans les réformes en tout genre, nous n’avons même pas mis en application celle dite « confiance en l’institution judiciaire » que déjà les États généraux de la Justice planchent pour apporter encore de nouvelles réformes. Avocats soyons les moteurs de cette dynamique aux côtés de tous les acteurs de la justice : mobilisons-nous. 1. Lors d’un précédent édito, j’avais pris le parti d’axer le mot du bâtonnier sur la défense de l’Institution judiciaire (lien). 2. Responsabilité sociétale des entreprises 3 | JDB MARSEILLE 4 / 2021

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