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public. Et profite de cette occasion pour casser avec humour, un certain nombre de clichés que les gens ont sur notre pro- fession. Nous le savons, le grand public nourrit beaucoup de fantasmes sur ce que nous sommes, sur la manière dont nous travaillons, entre nous et avec nos clients, sur les raisons qui nous portent à accepter ou refuser tel ou tel dossier. Un exemple : tu connais ce moment où tu apprends à une personne que tu es avo- cat et qui te demande avec une curiosité presque gênante : « mais comment vous faites pour défendre des tueurs d’en- fants ? » … Voilà … La vision qu’ont les gens de notre profession est très large- ment déformée par le prisme de la télévi- sion, par les fictions, les documentaires. Beaucoup romancent notre vie. La réalité est très différente et j’ai eu envie de le dire sur scène, mais de le faire en passant par la comédie, la caricature. C’est comme ça que j’ai créé à partir de 2018, avec l’aide de mon metteur en scène Laurent Bariohay, ce personnage d’avocat un peu désabusé, qui regarde le monde ju- diciaire dans lequel il navigue, avec ironie et une certaine impertinence. Et puis j’ai imaginé des personnages secondaires qui sont avec lui sur scène, même si on ne les voit pas : une greffière légèrement acariâtre, un vieux copain un peu lourd, une épouse qui ne manque pas une oc- casion de le piquer. Le décor, c’est donc une salle d’audience. Les spectateurs sont le public de cette salle d’audience. Et l’avocat que je joue prend le public à témoin de ce qui lui arrive. En mêlant, ainsi, une brochette de personnages, une interaction avec les spectateurs, et un fil rouge qui fait le lien entre les différents sujets abordés – qui vont des moyens de preuve au moyen-âge au père Noël, en passant par le Code pénal …– , j’ai voulu écrire un spectacle à mi-chemin entre le stand-up et le théâtre, une sorte de « one avocat show » , qui parle de vrais sujets, mais sans se prendre au sérieux. Cette « double vie » n’est-elle pas trop complexe à gérer quand on connait lequotidiend’unavocat ? Oui, c’est vraiment une « double vie » aujourd’hui. J’ai la chance d’être désor- mais accompagné par une production sur « Maître, vous avez la parole », et de jouer dans d’autres spectacles comme la comédie « En attendant » qui était programmée à Marseille fin novembre. Je suis sur scène presque tous les week-ends et parfois loin. Donc, je dois m’organiser. C’est presque « militaire » . Je n’ai pas le droit d’être désordonné. La seule clé que j’ai trouvée, c’est le planning, programmer le plus en amont possible, chaque activité, et quand une urgence survient, savoir s’adapter. Mais je ne suis pas seul à vivre ça. Nom- breux sont les avocats confrontés à ces contraintes de temps, qu’ils aient ou non des activités annexes. Et il faut dire que beaucoup de confrères pratiquent une activité artistique : théâtre, écriture, pein- ture… Notre barreau regorge de talents. Je travaille beaucoup et souvent tard, cumulant parfois 2 journées en 1, mais comme beaucoup d’autres avocats. Et je peux compter au cabinet sur des col- laborateurs de grande valeur, technique mais surtout humaine, qui permettent cette organisation. Jusqu’à présent, j’ai pu trouver un équilibre, entre mon acti- vité d’avocat que j’exerce depuis 2005, celle de comédien depuis plusieurs an- nées aussi, et ma vie de famille que je veux absolument protéger. Pourvu que ça dure. Et si tudevais faireunchoix ? Pourquoi faire un choix ? Pour l’instant, je ne me pose pas cette question. Je n’y suis pas contraint et c’est tant mieux. Sans faire de comparaison hasardeuse, qu’aurait répondu Éric Dupond-Mo- retti si on lui avait posé cette question quand il était avocat et que dans le même temps, il se produisait sur scène, jouait dans « Neuilly sa mère » ou dans le film de Claude Lelouch ? Et tout ça pour finalement prendre une autre voie qu’il avait expressément écartée quelques années avant … Personne ne peut dire ce qu’il fera dans quelques années, quels seront les choix qui lui seront offerts. Ce que je sais c’est que je suis entré dans la profession d’avo- cat avec passion. Je l’exerce depuis presque 17 ans. J’aime la liberté qu’elle me procure. Si, parfois, elle est source de stress, d’interrogations, elle m’ap- porte aussi beaucoup de satisfactions. J’ai la chance d’appartenir à un barreau énergique et à l’écoute. Ça compte. Dans le même temps, je suis très heu- reux sur scène. Les émotions que me procurent l’écriture et le travail de jeu, sont incomparables. Alors, si le premier seul en scène que j’ai écrit a pour sujet notre profession, ce n’est pas un ha- sard. C’est une sorte de « pont » entre mes deux « vies ». Je pense même que le spectacle « Maître, vous avez la pa- role » ne serait pas né sans le barreau. Comme tu le sais, je fais partie de La Revue du barreau, et c’est cette Revue qui m’a permis demonter sur la scène du Gymnase en 2018 pour présenter mes premiers sketchs.Avant, je jouais mais je n’écrivais quasiment pas. Alors, à Michel Amas et à toute la troupe de La Revue, je leur dis merci de m’avoir injecté ce virus. Aujourd’hui, l’une de mes grandes fiertés est de rencontrer et discuter avec les confrères qui viennent me voir après le spectacle. J’ai voulu humblement par- ler de nous, et le faire avec les habits de comédien. Et dans ces échanges à la sortie de scène, je me dis que j’ai peut- être réussi cet équilibre. Donc, choisir n’est pas d’actualité. Ce que je sais par contre, c’est que je ne pourrais pas alié- ner ma vie de comédien. Elle a pris une place trop importante. [ une sorte de « one avocat show » , qui parle de vrais sujets, mais sans se prendre au sérieux.] CULTURE / ART & DRO I T EN TOURNÉE AMarseille, au théâtre L’Art Dû 14 et 15 janvier à 20 h 00 16 janvier à 17 h 00 A Lorient, au théâtre Sale Histoire 1 1 février AAix-en-Provence, au théâtre Le Flibustier Les 3 et 4 mai AAvignon, toute la durée du Festival Off, au théâtre Pixel, salle Bayaf + 47 | JDB MARSEILLE 4 / 2021

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