JDB N1 2020

Jean-Luc Guasco, tu es aujourd’hui avocat honoraire, est-ce que tu peux nous rappeler ton parcours? Jean-Luc Guasco : J’ai obtenu ma licence et le CAPA en 1957. Pour s’inscrire au barreau, il était nécessaire d’avoir un stage chez un avoué ou chez un avocat ce qui était très difficile, et de ce fait j’ai perdu un an. Je me suis inscrit au barreau de Marseille en 1958 chez un avoué qui avait ses locaux au 55 rue Paradis. Mon rôle consistait simplement à aller aux audiences le matin ou l’après-midi, pour faire retenir les dossiers de confrères qui devaient venir plaider ou à déposer les dossiers de ceux qui ne voulaient pas plaider, les au- diences se déroulant toujours en collégiale, que ce soit devant le tribunal ou devant la cour, le juge unique n’existait pas. Aucune rémunération n’était prévue, j’avais un bureau et un téléphone à ma disposition en contrepartie du travail que j’effectuais. J’ai trouvé fort heureusement assez rapidement une collaboration complémentaire avec un ca- binet pénaliste, celui de Marc Gréco. J’ai col- laboré aussi avec Paul Tramoni et Marcel Paoli qui se trouvaient dans les mêmes locaux. Je ne savais rien en droit pénal, pas davantage en droit du travail ou en droit commercial, matières qui n’étaient pas enseignées ou de manière insuffi- sante. La seule matière enseignée était le droit civil, partie noble du droit, l’histoire du droit et même le droit canon, tout le reste n’était que secondaire. Quant au CAPA qui s’effectuait avec la 3° année de licence, tout fut enseigné de manière superficielle. La seule chose dont je me souvienne était une phrase répétée par l’un de nos enseignants «On nait poète, on de- vient orateur». J’arrivai donc avec un esprit neuf puisque tout était à apprendre. AvecMarcGréco, j’ai appris le droit pénal.Marc m’a fait connaitre un droit vivant totalement différent de ce qui me fut enseigné. Je recevais les clients avec lui, je plaidais beaucoup de dos- siers soit seul soit avec lui, il a toujours eu pour moi beaucoup d’attention et il m’a fait confiance dèsmon arrivée. Je lui dois beaucoup, car plaider est important or la majorité des collaborateurs ne plaidaient que les dossiers secondaires, plai- der au pénal est lameilleure des formations. De plus en 1959-1960 il y avait peu de stagiaires et peu de stagiaires chérissant le droit pénal. Les commissions d’office étaient nombreuses d’au- tant que de nombreux attentats étaient commis par le FLN en relation avec la guerre d’Algérie. Ces procès étaient jugés par un tribunal militaire (TPFA Tribunal Permanent des Forces armées) qui siégeait au fort Saint Nicolas. Ce tribunal était présidé par unmagistrat de la cour d’appel et huit militaires officiers siégeaient avec lui, le ministère public étant assuré par un commis- saire du gouvernement. J’ai connu et plaidé dans ces dossiers avec de nombreux confrères très engagés et notam- ment Verges, qui venait à l’audience avec ses décorations pendantes sur la robe, décorations décernées à titremilitaire, ayant été un des plus jeunes résistants pendant la guerre. Les mili- taires qui siégeaient étaient impressionnés et les confrères aussi. J’ai appris aussi que lorsque vous êtes collabora- teur dans un cabinet, si vous recevez les clients avec votre maitre de stage vous pouvez le rem- placer et plaider à sa place, sans que le client ne se sente perdu. J’ai appris aussi qu’il fallait être disponible en permanence, et ce quel que soit le jour de la semaine. Il n’y avait ni samedi ni dimanche, il fallait être présent. Quand Marc partait pour les vacances en Corse, je m’occu- pais du bureau et le tenais informé des courriers Nous avons eu la chance d’échanger à la Maison de l’Avocat le 17 février 2020, avant le confinement, avec Jean-Luc GUASCO, l’une des grandes fi- gures de notre barreau, qui nous a rappelé son parcours notamment en droit du travail et nous a fait part de son regard sur l’évolution de notre exercice professionnel. Entretien avec ME JEAN-LUCGUASCO PROPOS RECUEILLIS PAR ME JULIEN AYOUN LE 17 FÉVRIER 2020 HISTOIRE & MÉMOIRE DU BARREAU 54 1er SEMES TRE 2020 JOURNAL DU BARREAU DE MARSE I L LE

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