JDB N1 2020

53 1er SEMES TRE 2020 JOURNAL DU BARREAU DE MARSE I L LE nier de l’époque avait pris l’initiative d’une assemblée générale du barreau. Nous les jeunes, on a été intégrés dans le mouvement de contestation. C’était un moment de ré- conciliation entre des avocats qui avaient vécu la guerre, alors qu’il y avait vingt ans à peine que la Seconde guerre mondiale était terminée. En mai 68, un phénomène d’unité s’est créé. Les blessures, qui avaient été ou- vertes durant la guerre, se sont refermées. Le deuxième moment très fort, c’est la grève de l’aide juridictionnelle en 2000. J’étais fier du barreau de Marseille et du bâtonnier Pierre Francis Paolacci, qui a su très bien gérer son bâtonnat, notamment avec le blo- cage d’autoroute à 5 heures de l’après-midi. Le bâtonnier Paolacci m’avait commis d’of- fice pour gérer un dossier extraordinaire et montrer à la chancellerie le travail que sup- pose un dossier d’aide juridictionnelle. Le bâtonnier Édouard Alexander a été à l’origine du premier barème indicatif d’ho- noraires qui nous a valu beaucoup d’en- nuis par la suite. Il avait mis en place un système très novateur pour l’époque, les consultations gratuites, qui se tenaient au palais place Monthyon dans l’ancienne bibliothèque. Une fois sur dix, il y avait quelqu’un qui semblait être solvable. A ce moment-là, le bâtonnier Alexander disait « Je vous désigne l’avocat le plus génial du barreau de Marseille, il est jeune, mais c’est un génie. » Il ajoutait «Maître Bruschi, vous vous occuperez de lui » et «Monsieur, quand vous arriverez chez lui, première phrase : combien je vous dois maître ? » (rires). À tour de rôle, il nous désignait avec un cinéma extraordinaire. Il disait quand le ton mon- tait avec un magistrat « J’ai été condamné à mort par les SS, vous ne croyez pas que vous allez m’impressionner » parce qu’il était grand résistant. J’ai beaucoup d’affection pour Édouard Alexander à titre posthume. Tu as eu des engagements syndicaux et plusieurs mandats à l’Ordre. Quels sont tes meilleurs moments et tes plus grands souvenirs ? D’abord, j’ai eu une surprise lors de ma pre- mière séance du conseil de l’Ordre. J’ai ap- pris que, hors bâtonniers siégeant, j’étais « déjà » l’avocat le plus ancien. A ce titre-là, je devais m’occuper de la déontologie. C’était en 1994. Ensuite, j’ai pris conscience des in- convénients d’avoir un permis moto. C’était la grande époque des cabinets secondaires disséminés dans le ressort des Bouches- du-Rhône, notamment à La Bouilladisse, à Gréasque, à La Ciotat et à Aubagne. Le bâ- tonnier me regardait et me disait «d’un coup de moto tu peux y aller  ? » (rires). Christian Lestournelle, José Allégrini, Sixte Ugolini, Pierre-Francis Paolacci, et Georges-Michel Lecomte ont été pour moi des bâtonniers remarquables. On parlait d’évolution de la profession. On était en pé- riode de pleine mutation, on voyait se des- siner les contours de ce qui allait arriver. Le grand débat sur le dessaisissement du disci- plinaire nous a beaucoup occupés parce que c’était une partie importante des activités ordinales. Quel serait ton message d’espérance à l’égard des jeunes impétrants qui ont prêté serment en janvier 2020? Mon message d’espérance est de leur dire : Ayez confiance dans l’avenir de notre pro- fession. Depuis que le monde est monde, il y a toujours eu des litiges et des différends entre les hommes et les femmes. On voit mal comment les avocats pourraient se si- tuer en dehors de ce circuit. Grâce à nos principes et notre déontologie, vous avez la grande chance de pouvoir aller à la ren- contre de la nature humaine dans un cadre qui respectera votre client, mais vous pro- tègera aussi vous-même. Les contre-ar- guments qui peuvent vous inciter au découragement, on me les a donnés lorsque je me suis inscrit au barreau. En 1966-1967, on m’avait dit que les avoués allaient être supprimés en 1972, C’est arrivé et une nou- velle profession est née grâce à notre esprit novateur et collectif. Nous avons su garder notre nom patro- nymique, avocat. Celui qui est appelé ad- vocatus, pour contribuer à la justice, à l’apaisement d’un conflit, à régler un diffé- rend, est un instrument incontournable de la pacification sociale. C’est d’autant plus exaltant que nous vivons dans une période d’agressivité et d’inflexibilité. As-tu un message particulier à communi- quer aux lecteurs du journal du barreau ? Un immense merci pour m’avoir permis d’être heureux depuis que j’exerce la profes- sion d’avocat. Les confrères j’ai rencontrés durant toute ma carrière m’ont procuré de très grandes satisfactions. Finalement, j’ai eu beaucoup de chance. HISTOIRE & MÉMOIRE DU BARREAU Nous avons su garder notre nom patronymique, avocat. Celui qui est appelé advocatus, pour contribuer à la justice.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTg0OTA=