JDB N1 2020

Est-ce que tu pourrais nous rappeler ton parcours au sein de la profession ? Jean-Daniel Bruschi : J’ai passé mon CAPA en 1966. Je ne me suis inscrit au barreau de Marseille qu’en octobre 1967. J’avais, en effet, été invité chez des parents et quelqu’un m’a ingénument posé une question qui m’a complètement déstabilisé : «est-ce que votre père est avocat ? » Ma réponse a été néga- tive et il m’a dit : «mais comment vous allez faire pour avoir des clients ? » Rentrant chez moi, mon fils ainé n’ayant que quelques mois, je me suis dit « ce n’est pas possible ». Donc je me suis orienté vers l’enseignement. Au bout d’une année, mon père m’a dit «mais tu ne vas pas rester maître auxiliaire toute ta vie, j’ai un très grand ami qui est mon avocat personnel, Roger Malinconi, va le voir de ma part et il te prendra à son cabinet ». La deu- xième année, j’ai donc fait un stage à mi- temps chez le bâtonnier Malinconi et j’ai eu l’opportunité de rentrer comme vacataire à la Chambre de commerce en dispensant quelques heures de cours par semaine. Après mon service militaire de septembre 1968 à fin 1969, je suis devenu avocat à part entière. J’ai été collaborateur de Me Camille Giudicelli jusqu’en 1973, date à la- quelle je me suis installé. A l’époque, ce sont les clients qui nous spécialisaient. J’ai eu un syndicat comme client. Je me suis orienté vers le conseil de prud’hommes, avec en plus la clientèle par- ticulière, que nous avions tous quand on n’était pas fils d’avocat, issue de nos com- missions d’office et de l’assistance judiciaire. J’ai eu l’opportunité d’avoir des établisse- ments de crédit, l’archevêché de Marseille, le grand recteur de la Mosquée, l’Olympique de Marseille, etc, des clients emblématiques et variés. J’ai toujours eu en tête ce que le bâtonnier Malinconi me disait en 1967. Il me faisait assister à la réception de la clientèle. Il avait reçu dans la foulée un scaphandrier de l’Estaque et le directeur général de l’UAP. À la fin, il m’avait dit « vous voyez Bruschi, je les ai traités de la même façon ». En mai 1968, il m’avait appris que tout pouvait arri- ver. J’avais une affaire fixée au 20 mai 1968, avec comme adversaire un avocat de Car- pentras. Je lui ai demandé «Maître, d’après vous, est-ce que je vais au tribunal ? ». C’était rue Montgrand. Il m’a dit « à votre place, j’irai, parce que tout peut arriver ». Le lendemain matin, j’ai vu une DS noire avec un chauffeur et quelqu’un avec la robe sous le bras qui sortait de la voiture et qui me dit «Nous plaidons cette affaire aujourd’hui ? ». Il s’appelait Maurice Chartier, il était secré- taire d’État à l’artisanat et député maire de Carpentras. Il n’avait rien à faire, si ce n’est Nous avons eu le plai- sir de rencontrer notre confrère Jean-Daniel Bruschi, qui nous a fait part de son regard sur l’évolution de la profes- sion d’avocat et nous a fait un retour d’expé- rience sur ce demi-siècle d’exercice professionnel intense, au cours duquel les réformes se sont certes succédées, mais la profession d’avocat a su évoluer et se réinventer. HISTOIRE & MÉMOIRE DU BARREAU 51 1er SEMES TRE 2020 JOURNAL DU BARREAU DE MARSE I L LE Entretien avec JEAN-DANIEL BRUSCHI PROPOS RECUEILLIS PAR ME JULIEN AYOUN ET ME FRANÇOIS MORABITO LE 29 JANVIER 2020

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