JDB N1 2020

28 A insi, après avoir perdu bruta- lement leur domicile et donc le respect de leur vie privée, bon nombre d’occupants (pro- priétaires ou locataires) des immeubles évacués non seulement n’ont pas ob- tenu de relogement pérenne, mais rencontrent également d’énormes difficultés économiques. Selon les chiffres officiels du suivi des reloge- ments temporaires au 18 septembre 2019, pas moins de 1 186 ménages, soit plusieurs milliers d’adultes et enfants, avaient été évacués depuis ce 5 novembre 2018 et les évacuations conti- nuent depuis septembre 2019, suivies ou pas d’arrêtés de péril. Or, dans un rapport remis au ministre du Loge- ment en mai 2015, Christian Nicol, inspecteur général honoraire du développement durable, décrivait une situation alarmante du bâti privé sur Marseille. Dans ce rapport, Christian Nicol relève que : « Le parc immobilier marseillais comporte un parc privé potentiellement in- digne présentant un risque pour la santé ou la sécurité de quelque 100000 habitants. Il concerne plus de 40000 logements, soit 13 % du parc de résidences principales. » On peut dès lors prendre la mesure du tra- vail de traitement et de prévention qu’il reste à entreprendre pour éviter le renouvèlement de tel drame. Mieux vaut prévenir que guérir, une fois encore la véracité de ce proverbe s’est vérifiée. Nous avons, avocats, un rôle essentiel à jouer pour défendre les droits des victimes actuelles et potentielles dans le futur (occu- pants et propriétaires de bonne foi) en travail- lant avec la société civile marseillaise (citoyens, associations, fondations, collectifs et services sociaux…), qui compte tenu des complexités et délais de procédure, ont assumé dans l’ur- gence une solidarité et une aide concrète aux victimes face à l’importance du séisme. Nous disposons d’un arsenal juridique suite à la loi du 31 mai 1990 qui définit l’Habitat Indigne ainsi : « les locaux ou les installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes, pouvant porter atteinte à leur sécurité phy- sique ou à leur santé. » Depuis 1990 le législateur a régulièrement élaboré et affiné les mesures concrètes pour lutter contre cet habitat indigne.  Cet arsenal juridique, complexe et complet, est trop sou- vent mal connu des professionnels de la justice et des collectivités publiques, alors qu’il aurait pu éviter ces drames ou assurer une réparation rapide des préjudices. Ainsi trop souvent s’opère une confusion entre les notions de décence, d’insalubrité et de péril, alors que ces notions relèvent de législations et de compétences différentes. La décence relève du Code civil (article 1719 et suivants du Code civil, article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret du 30 janvier 2002) pour les relations contractuelles entre bailleur et locataire. L’insalubrité, soit le risque pour la santé des oc- cupants , relève de la police spéciale du préfet qui, après mise en demeure du Service com- munal d’Hygène et de Santé, rapport de l’ARS et avis de la CODERS, prend un arrêté d’insa- lubrité remédiable ou irrémédiable ( Code de la santé publique et Code de la construction et de l’habitation). Cet arrêté s’impose au juge ju- diciaire quant aux conséquences dans les rap- ports bailleurs locataires. Le péril, soit le risque de danger pour les occu- pants (danger s’entendant risque d’accident) relève de la police spéciale du maire qui, après expertise ordonnée par le tribunal administra- tif, prend un arrêté de péril ordinaire ou de péril grave et imminent (Code de la construction et de l’habitation). Comme pour l’insalubrité cet ar- rêté s’impose au juge judiciaire quant aux consé- quences dans les rapports bailleurs locataires. Des solutions sont prévues par le CSP et le CCH pour permettre aux bailleurs d’anticiper le risque d’arrêté de péril ou d’insalubrité et de les aider après intervention d’un arrêté de péril ou d’insalubrité. Il paraît urgent que de nombreux confrères s’emparent des législations applicables en cette matière, afin que nous remplissions pleinement notre rôle d’avocat. C’est pourquoi le SAF se réjouit d’une part, que notre bâtonnier organise un colloque dans les prochains mois sur le thème de l’ha- bitat indigne en présence de Monsieur Fran- çois Molins, procureur général près la Cour de cassation, à l’origine de dispositifs mis en place dans ce domaine, et d’autre part de la remise en place par l’Ordre des formations sur le droit du logement et de l’habitat indigne. Bien évidemment la plupart de nos interven- tions, conseils et procédures, se feront au titre de l’Aide Juridictionnelle, ce qui peut être un obstacle pour certains cabinets. Relevons néanmoins ce défi et montrons une nouvelle fois que, contrairement à ce que soutient le gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites, notre profession remplit toujours son obligation de solidarité. Nous ne devons pas être frileux par peur d’une récupération politique, car ce cataclysme marseillais est le résultat de plusieurs décennies d’incurie des pouvoirs publics toutes tendances confondues. Le 5 novembre 2018 est une date qui ne pourra être oubliée par les Marseillais tant les consé- quences de ce drame ne cessent de se révéler après le traumatisme des premiers mois. Nous disposons d’un arsenal juridique suite à la loi du 31 mai 1990 qui définit l’habitat indigne Habitat et solidarité des avocats SAF MARSEILLE 2 Place de la Corderie 13007 Marseille Tél : 04.91.33.34.01 Fax : 04.91.54.09.98 saforg@orange.fr LA PAROLE AUX SYNDICATS 1ER SEMES TRE 2020 JOURNAL DU BARREAU DE MARSE I L LE

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