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ABOL I T I ON Le crâne rasé, la tête vide Une cellule glaciale aux odeurs humides. L’oeil pâle, le teint blême et livide, Il ne connaîtra jamais le charme et la beauté des rides. C’était mon ami, mon seul vrai camarade. Que de souvenirs, que de joies, que de mascarades. Mais qu’as-tu fait, toi à l’âme pure ? Qu’as-tu fait pour subir de telles tortures ? Humains ! Votre justice est faible et fragile. Vous jugez, condamnez et sans crainte tuez Sans vous demander, au fond, quelle est la vérité. Guillotiner l’innocence ; n’est-ce-pas horrible ? Alors le poète s’avança vers l’engin de mort. Le soleil n’était pas encore levé, c’était l’aurore. Il voulait atteindre dignement le royaume des cieux Car il allait enfin connaître le secret des dieux. Marseille, le 7 juillet 1983. Yves-Laurent Khayat / Fragments de vie (1980-1990). LES PR I E - D I EU Les prie-Dieu sont dressés, Les bigotes sont stressées, La soie lui sied, L'huissier s'assoit, Pauvres athées Déshydratés, L'eau bénite Les évite. Les sacrifices Sans artifices Abotissent La fleur de Lys. Les mots salés Des isolés Enflamment Les femmes Des mausolées. Les sarments Du sermon Se consument Et parfument Le serment Des amants. Le rite s'emballe, Le moine est pâle, Le curé rit Le maudit Ne dit mot. Adam A La dent Eve Se Lève Et lui tend Le serpent Borgnes Audacieux Lorgnent L'eau des cieux. Bénédiction Vaut bonne onction. Nature humaine Née pour l'hymen Vous amène à L'amen. Henry Fournier Poèmes d'avocats 46 # N1 201 9 JOURNAL DU BARREAU DE MARSE I L LE CULTURE J’aurais aussi aimé, T’adresser quelques mots. Tu aurais apprécié, Christophe je le sais. Mais entré dans le rang, Je me suis contenté, D’écouter les hommages, Que d’autres te rendaient. Alors si tu permets, Ami, où que tu sois, Seul je veux te rappeler, Les images du passé. Que d’années écoulées, Depuis cette rencontre, Avec ce beau garçon, Qui ne doutait de rien. Il avait bien raison, Car il portait en lui, Toutes les qualités, Que requiert un métier, Pour qui avec panache, Désire l’exercer. Toi tu faisais partie, De la race des seigneurs, De ceux qui par tous vents, Ont le sens de l’honneur, Qui savent regarder, Un adversaire en face, Là où baissent les yeux, Ceux qui manquent de conscience. Tes yeux clairs irradiaient, Bonheur et probité, Ta présence effaçait, Les contrariétés. Pétri d’intelligence, Amoureux du travail, Tu étais redoutable, Devant un Tribunal. J’ai pu le constater, Dès tes tous premiers pas, Où l’avocat fut toi, J’en reviens toujours pas. Tu n’pouvais te priver, De courtiser la vie, Qui te le rendait bien, En se donnant à toi, Plus qu’elle n’aurait dû, Au point de te brûler, À moins que ce soit toi, Qui ai brûlé ta vie. Tu n’me l’as jamais dit. Il y a quelques années, Tu m’as téléphoné, Pour que je te remplace, Je ne sais plus pourquoi. Tu étais fatigué, Et tu m’as confié, Quel mal t’avait frappé. J’en fus bouleversé, Mais ne voulus y croire. Longtemps, tu t’es battu, Mais longtemps as-tu cru, Qu’un jour disparaîtrait, Ce mal qui te rongeait ? Tu as tellement souffert, Que le jour de Noël, En te prenant, la vie, Te faisait un cadeau. Ce jour de réveillon, Tes parents et amis, Étions autour de toi, Pour un dernier au-revoir. Au revoir je l’espère, Comme tes pères et mères, Et ceux qui t’ont aimé, Pour ce que tu étais. Ce soir je n’ai pas le coeur, À dire des « bonne année » Je le ferai demain, Car ce soir je ne peux, Que m’adresser à toi, Pour te souhaiter Chris- tophe, Une belle éternité. Quand je retournerai, Manger à la Marmite, Notre petit resto, Je n’pourrai m’empêcher, Christophe de parodier, Les paroles du poète : « C’est au premier regard porté, Entre amis, autour de la table, Vers le siège le plus avancé, Que se fait l’ Adieu véri- table » Repose en paix Christophe Deschamps. Jean - Claude Valéra À TO I MON AMI

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