JDB N4-2018_WEB (1)

Journal du Barreau de Marseille 22 numéro 4 - 2018 « J ustice a été rendue, c’est une victoire pour Asia Bibi. Le verdict montre que les pauvres, les minorités et la frac- tion la plus modeste de la société peuvent obtenir justice dans ce pays en dépit de ses défauts […] ». Ces mots, prononcés par Saiful Malook au sortir de 9 ans de procédure caho- teuse sinon chaotique, pourraient être ceux de bon nombre de nos confrères. En revanche, peu d’entre nous seront un jour amenés à tempérer leur joie comme il l’a souligné : « Je n’ai absolument aucune protection. […] N’importe qui peut me tuer ». A la suite de l’acquittement d’Asia Bibi le 31 octobre 2018, les islamistes envahissaient la rue pour réclamer sa pen- daison et la mort de ses juges. Après trois jours de mani- festations violentes, le gouvernement d’Imran Khan cédait et convenait avec les islamistes d’un accord interdisant à Asia Bibi de quitter le territoire pakistanais après sa li- bération intervenue le 7 novembre. Parallèlement, les islamistes du Tehreek-e-Labbaik Pakistan, parti politique religieux dont le but déclaré est de permettre la condamna- tion des blasphémateurs, juraient la mort de Saiful Malook, l’avocat d’Asia Bibi. Or, ces menaces de mort à l’encontre de Saiful Malook, qui n’est plus sous protection policière depuis avril 2018, sont particulièrement inquiétantes si on se penche sur le contexte entourant l’affaire Asia Bibi. En effet, que ce soit Salman Taseer - gouverneur de l’Etat du Pendjab - ou Shahbaz Bhatti – chrétien et ministre des minorités -, tous deux ont été assassinés en raison de leur engament pour la libération d’Asia BIBI. Salman Taseer était assassiné le 4 janvier 2011 par son garde du corps, Mumtaz Qadri. Or, lors du procès de Qadri, c’était Saiful Malook qui assurait les poursuites, ce qui le lie intimement à sa condamnation à mort. Si pour les isla- mistes Mumtaz Qadri est devenu après son exécution en 2016 une véritable icône, Saiful Malook est au contraire devenu son bourreau. Symétriquement, Ghulam Mustafa Chaudhry, l’avocat qui défendait Qadri, est celui qui a représenté l’accusation tout au long du procès d’Asia Bibi devant la Cour Suprême. Il vient d’ailleurs de déposer un recours en révision du pro- cès au nom de Qari Salam, un responsable religieux. Si Chaudhry est avocat, comme Saiful Malook, il est aussi le leader du Khatm-e-Nubuwwat Lawyers Forum, un groupe conservateur d’avocats dont le but avoué est d’user de son expertise juridique et de son influence pour s’assu- rer que toute personne insultant l’Islam soit poursuivie, jugée puis exécutée sur le fondement de la loi interdisant le blasphème de 1986. En l’occurrence, son attention est portée sur Asia Bibi, libre dans l’attente de l’examen du recours en révision, mais ce sans l’assistance de son avocat. Le SAF apporte son soutien à Saiful Malook qui est allé jusqu’à devoir mettre sa vie en jeu pour défendre Asia Bibi, et ce alors que lui-même se demande aujourd’hui s’il sera défendu. En effet, le gouvernement pakistanais semble aujourd’hui plus attaché à calmer l’ire des islamistes qu’à assurer le respect d’un jugement au demeurant historique. S’il va du devoir d’un avocat de se dévouer à la défense de son client, il est impensable que celui-ci y laisse la vie. Mourir à la barre, une clôture des débats que Saiful Malook ne semble malheureusement pas exclure : « Si vous vous occupez d’affaires de ce genre, vous devez être prêt à faire face aux résultats et aux conséquences. […] Je pense qu’il vaut mieux mourir en homme fort et coura- geux que comme une souris peureuse. ». LA PAROLE AUX SYNDICATS SAF MARSEILLE 2 Place de la Corderie 13007 Marseille Tél : 04.91.33.34.01 / Fax : 04.91.54.09.98 saforg@orange.fr Saiful Malook : une vie à défendre Le SAF a toujours été attentif en liaison avec l’Observatoire International des Avocats en danger, fondé à l’initiative du CNB, au sort des avocats menacés. Aujourd’hui nous nous intéressons à notre Confrère Saiful Malook, l’avocat d’Asia Bibi, cette chré- tienne pakistanaise acquittée le 31 octobre dernier par la Cour Suprême de Lahore après 8 ans passés dans le couloir de la mort pour blasphème. Celui-ci a été contraint de fuir le Pakistan à la suite de menaces de mort proférées à son encontre.

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