RÉfORMES EN TOUS GENRE
Journal du Barreau de Marseille
numéro 2 - 2016
39
R
ien ne laissait présa-
ger une libéralisa-
tion des processus
avant l’intervention du décret
du 25 mars 2016. En effet, l’or-
donnance n° 2015-899 du 23
juillet 2015 transposait en
droit français les deux direc-
tives européennes n° 2014/24/UE et 2014/25/UE du 26 fé-
vrier 2014 relatives aux marchés publics dits « secteurs
classiques » et « secteurs spéciaux ». Contrairement à la
directive, l’ordonnance soumettait les services juridiques
de représentation en justice par un avocat et le conseil ju-
ridique en vue de la préparation d’une procédure conten-
tieuse aux règles de publicité et de mise en concurrence
des marchés publics à procédure adaptée.
Le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâton-
niers et l’Ordre des avocats de
Paris reprochaient au texte
français de ne pas reprendre,
dans ses dispositions, l’article
10 de la directive 2014/24/UE
du 26 février 2014, qui avait
exclu de son champ d’appli-
cation, et donc des règles de
passation des marchés pu-
blics, les services juridiques
de représentation en justice
ou de conseil juridique pour
la préparation de la procédure contentieuse. Aussi, ces
dernières ont-elles attaqué l’ordonnance du 25 juillet
2015. Le Conseil d’État a considéré qu’il n’y avait pas ur-
gence à statuer sur la légalité de l’ordonnance (CE, ordon-
nance du 16 octobre 2015, Conseil national des barreaux
et autres, n° 393588). L’ordonnance contestée n’était pas
entrée en vigueur et le délai de transposition n’étant pas
arrivé à son terme, il n’y avait pas d’urgence à statuer
avant l’intervention de la décision au fond.
Il ne faudra pas attendre six mois pour que ladite décision
au fond intervienne (CE, 9 mars 2016, Conseil national
des barreaux et autres, n° 393589). Suivant les conclu-
sions de son rapporteur public, le Conseil d’État rejetait la
requête estimant qu’il appartient aux États membres de
prévoir des règles plus contraignantes que celles définies
par la directive, dès lors que la soumission à ces règles est
compatible avec le respect du droit de l’Union euro-
péenne ». La chose semblait donc entendue. Pas de bou-
leversement en droit français: les prestations des avocats
demeurent soumises aux règles de passation du code des
marchés publics.
Pourtant, moins de trois semaines plus tard le décret
n° 2016-360 du 25 mars 2016 contenant les mesures d’ap-
plication de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015
renverse ce postulat. Ce décret supprime quasiment toute
portée pratique à l’ordonnance de 2015. En effet, aux
termes de l’article 29 du décret, ne sont pas soumis aux
règles définies par le décret :
1° Les services juridiques de
représentation légale d’un
client par un avocat dans le
cadre d’une procédure juridic-
tionnelle, devant les autorités
publiques ou les institutions
internationales ou dans le
cadre d’un mode alternatif de
règlement des conflits;
2° Les services de consultation
juridique fournis par un avo-
cat en vue de la préparation de toute procédure visée à
l’alinéa précédent ou lorsqu’il existe des signes tangibles
et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte
la consultation fera l’objet d’une telle procédure.
L’acheteur définit librement les modalités de publicité et
de mise en concurrence en fonction du montant et des
caractéristiques du marché public.
Reste à voir ce que les acheteurs publics feront de cette
nouvelle liberté procédurale.
les pRestations des avocats et les RèGles de passation des maRchés puBlics
LEcLapDE fIN?
Depuis le 1er avril 2016, certaines prestations juridiques effectuées
par les avocats ne sont plus soumises aux règles de publicité et de
mise en concurrence dans le cadre des marchés à procédure adaptée.
Shirley Leturcq
les prestations des avocats
demeurent soumises aux règles
de passation du code des
marchés publics.