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RÉfORMES EN TOUS GENRE

Journal du Barreau de Marseille

numéro 2 - 2016

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de la clause abusive, son champ d’application est cependant limité au

seul contrat d’adhésion défini par le nouvel article 1110 du Code civil).

Les sanctions (art. 1178 à 1187)

Outre son prononcé par le juge, la nullité (totale ou partielle) pourra

être constatée par les parties d’un commun accord (ce dernier point

pouvant soulever des difficultés lorsque cet accord sera constaté en

violation des droits des tiers - fraude paulienne, ou de l’ordre public -

période suspecte en cas de procédure collective de l’une des parties);

une action interrogatoire permet d’interroger le cocontractant sur sa

volonté de se prévaloir d’une cause de nullité, assortie d’un délai d’ac-

tion de six mois à peine de forclusion .

La caducité (disparition d’un élément essentiel en cours d’exécution de

contrat) est consacrée, le texte prévoit qu’elle peut rejaillir sur d’autres

contrats interdépendants, dans des conditions que la jurisprudence

devra préciser (le texte semble plus restrictif que la position de la Cour

de cassation, notamment quant au pouvoir de la volonté des parties

d’exclure cette interdépendance); elle peut donner lieu à restitution.

LES EFFETS DU CONTRAT

Entre les parties, le principe de la force obligatoire est repris à travers

ses effets, en rappelant que le contrat ne peut être modifié ou révoqué

que par consentement mutuel ou les causes que la loi autorise

(art.1193).

L’imprévision fait l’objet d’une disposition spécifique à l’article 1195:

sous certaines conditions (changement de circonstances imprévisibles

- exécution excessivement onéreuse - défaut d’acceptation préalable

de ce risque), un processus en trois étapes est prévu (renégociation -

demande d’un commun accord au juge d’adapter le contrat - à défaut

d’accord, révision du contrat par le juge à la demande d’une partie).

Les commentaires sont nombreux notamment quant à la crainte de

l’intervention judiciaire; la portée de ce texte pourra toutefois être li-

mitée par les parties, soit en amont par la contractualisation des

conditions de l’imprévision, et par la négociation (que la disposition

tend à favoriser), soit en aval, par la stipulation d’une clause d’arbi-

trage générale ou spécifique à la réfaction du contrat.

La durée des contrats fait l’objet de précisions (art.1210 à 1215), repre-

nant les solutions anciennes à l’exception des contrats perpétuels,

dont la sanction n’est plus la nullité, mais la faculté de résiliation uni-

latérale. À l’égard des tiers, les nouveaux textes rappellent le principe

de l’effet relatif, et précisent que le contrat leur est opposable, consa-

crant ainsi la jurisprudence en la matière (art.1199 à 1202).

L’INEXECUTION DU CONTRAT

ET LA REPARATION DU PREJUDICE

L’article 1217 prévoit cinq possibilités à la victime de l’inexécution ou

d’une mauvaise exécution:

L’exception d’inexécution (art.1219 et 1220), totale ou partielle, voire

par anticipation, en cas d’inexécution suffisamment grave ; elle doit

être notifiée au cocontractant;

L’exécution forcée en nature (art. 1221 et 1222) devient un principe gé-

néral après mise en demeure, sauf exécution impossible ou dispropor-

tion manifeste entre le coût pour le débiteur et l’intérêt pour le

créancier (contrôle judiciaire de la proportionnalité de la sanction de

l’inexécution);

La réduction de prix (art.1223) qui doit toutefois faire l’objet d’un ac-

cord entre les parties impliquera vraisemblablement un contrôle de la

réduction;

La résolution (art.1224 à 1230) :

- soit par le jeu d’une clause résolutoire expresse et précise, après mise

en demeure reproduisant ladite clause;

- soit unilatérale et extrajudiciaire, par notification au débiteur (prin-

cipe reconnu par la jurisprudence), mais en modifie les conditions: le

contrôle judiciaire s’opèrera à l’initiative du débiteur, et non plus du

créancier qui devait la faire prononcer judiciairement;

- soit de manière judiciaire, dans des conditions similaires de celle ac-

tuelle.

Les textes précisent le sort des restitutions (ces dernières sont traitées

de façon générale dans le régime général des obligations et non pas

spécifiquement dans le droit des contrats), notamment en cas de réso-

lution d’un contrat à exécution successive, pour neutraliser la rétroac-

tivité, les restitutions ne s’opérant alors que pour la période

postérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie

(art.1229). Enfin, ces sanctions peuvent se cumuler avec l’octroi de

dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’inexé-

cution, selon des modalités guère différentes de celles connues actuel-

lement (art.1231 à 1231-7).

Conclusion

Comme après toute réforme, « les textes qui voient le jour sont là

pour être façonnés, interprétés, adaptés aux situations qui ne man-

queront pas de les provoquer » (N. MOLFESSIS, in « Droits des

contrats : que vive la réforme », JCP éd. G, n°7, 15 février 2016, 180).

Cette réforme du droit des contrats était autant crainte qu’attendue.

La numérotation des articles et leur ordonnancement ont changé.

Des principes dégagés par la jurisprudence ont été textuellement

consacrés. Des concepts nouveaux ont été introduits. Le rôle du juge

dans le contrat a été affirmé. Au-delà de la modification des référen-

tiels textuels, qui bouleversera nos réflexes, cette réforme ne man-

quera pas de provoquer des incertitudes, contraires à la volonté

affichée de sécurité juridique. Mais c’est notamment lorsque la

règle est source d’une telle incertitude que le rôle de l’avocat trouve

son sens. Il n’est plus l’heure désormais de nous interroger sur la

pertinence de la réforme, mais de se tourner vers l’avenir, afin de ré-

pondre aux nouveaux défis proposés par ce nouveau droit des

contrats.